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me fit son compliment, auquel je répondis par l’organe de mon drogman, ou en italien pour ceux qui l’entendaient. Ils se rangèrent autour de nous, et, courant çà et là sur le sable, ils nous donnèrent le spectacle de ces courses de djérid, où les cavaliers arabes déploient toute la vigueur de leurs chevaux et toute l’adresse de leurs bras. Nous approchions de Jaffa, et la ville commençait à se lever devant nous sur la colline qui s’avance dans la mer. Le coup d’œil en est magique quand on l’aborde de ce côté du désert. Les pieds de la ville sont baignés au couchant par la mer, qui déroule toujours là d’immenses lames écumeuses sur des écueils qui forment l’enceinte de son port ; du côté du nord, celui par lequel nous arrivions, elle est entourée de jardins délicieux, qui semblent sortir par enchantement du désert, pour couronner et ombrager ses remparts : on marche sous la voûte élevée et odorante d’une forêt de palmiers, de grenadiers chargés de leurs étoiles rouges, de cèdres maritimes au feuillage de dentelle, de citronniers, d’orangers, de figuiers, de limoniers, grands comme des noyers d’Europe, et pliant sous leurs fruits et sous leurs fleurs ; l’air n’est qu’un parfum soulevé et répandu par la brise de la mer ; le sol est tout blanc de fleurs d’oranger, et le vent les balaye comme chez nous les feuilles mortes en automne ; de distance en distance des fontaines turques en mosaïque de marbres de diverses couleurs, avec des tasses de cuivre attachées à des chaînes, offrent leur eau limpide au passant, et sont toujours entourées d’un groupe de femmes qui se lavent les pieds et puisent l’eau dans des urnes aux formes antiques. La ville élève ses blancs minarets, ses terrasses crénelées, ses balcons en ogive moresque, du sein de cet océan d’arbustes embaumés, et se détache, à l’orient, du