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caravanes de pasteurs qui vont mener les troupeaux à la seule source que nous ayons rencontrée depuis quatre heures. Les sources ont été découvertes et creusées autrefois par les habitants des villes situées toutes au bord de la mer : les Arabes actuels ont abandonné ces villes depuis des siècles ; il n’y reste que la fontaine, et ils font tous les jours ce voyage d’une heure ou deux, pour venir chercher l’eau et abreuver des troupeaux. Nous avons marché tout le jour sur des débris de murailles, sur des mosaïques qui percent le sable ; la route est jalonnée de ruines qui attestent la splendeur et l’immense population de ces rivages dans les temps reculés.

Nous avions depuis le matin à l’horizon devant nous, au bord de la mer, une immense colonne sur laquelle les rayons du soleil étaient répercutés, et qui semblait grandir et sortir des flots à mesure que nous avancions. En approchant, nous reconnaissons que cette colonne est une masse confuse de magnifiques ruines appartenant à différentes époques ; nous distinguons d’abord une immense muraille, toute semblable, par sa forme, sa couleur, et la taille des pierres, à un pan du Colisée à Rome. Cette muraille, d’une prodigieuse hauteur, se dresse, seule et échancrée, sur un monceau d’autres ruines de constructions grecques et romaines : bientôt nous découvrons, au delà de ce pan de mur, les restes élégants et découpés à jour, comme une dentelle de pierre, d’un monument moresque, église ou mosquée, ou peut-être tous les deux tour à tour ; puis une série d’autres débris debout, et d’une belle conservation, de plusieurs autres constructions antiques. Le chemin de sable que suivaient nos moukres nous menait assez près de ces curieux