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nous montrent, comme l’éclair, un horizon d’un moment au milieu de notre nuit profonde ; pourvu que je me sente soutenu par cette espérance immortelle que vous avez laissée sur la terre comme une voix de ceux qui n’y sont plus ; pourvu que je les retrouve en vous, et qu’ils me reconnaissent, et que nous nous aimions dans cette ineffable unité que nous formerions, vous, eux et nous ! Cela me suffit pour avancer encore, pour marcher jusqu’au bout dans ce chemin qui semble sans but. Mais faites que le chemin ne soit pas trop rude à des pieds déjà blessés ! »

Je me suis relevé plus léger, et me suis pris à cueillir des poignées d’herbes odoriférantes dont le Carmel est tout embaumé. Les Pères du couvent en font une espèce de thé plus parfumé que la menthe et la sauge de nos jardins. J’ai été distrait de mes pensées et de mon herborisation par le pas de deux ânes dont les fers retentissaient sur les rocs polis du sentier. Deux femmes, enveloppées de la tête aux pieds d’un long drap blanc, étaient assises sur les ânes ; un jeune homme tenait la bride du premier de ces animaux, et deux Arabes marchaient derrière, la tête chargée de larges corbeilles de roseaux, recouvertes de serviettes de mousseline brodée. C’était M. Malagamba, sa mère et sa sœur, qui montaient au monastère pour m’offrir des provisions de route qu’elles nous avaient préparées pendant la nuit. Une des corbeilles était remplie de petits pains jaunes comme l’or, et d’une saveur exquise ; précieuse rencontre dans une contrée où le pain est inconnu. L’autre était pleine de fruits de tous genres, de quelques bouteilles d’excellents vins de Chypre et du Liban, et de ces confitures innombrables, délices des Orientaux. Je reçus avec reconnaissance le présent