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plus tard, comme le type de la beauté et de l’amour purs, dans le poëme où je veux consacrer mes impressions.

Ce devait être un beau tableau à faire pour un peintre, s’il y en eût eu un parmi nous, que cette scène de voyage : nos costumes turcs, riches et pittoresques ; nos armes de toute espèce, répandues sur le plancher autour de nous ; nos lévriers couchés à nos pieds ; ces trois figures de femmes accroupies en face de nous sur un tapis d’Alep ; leurs attitudes pleines de simplicité, d’étrangeté et d’abandon ; l’expression de leurs physionomies pendant que je leur racontais mes voyages, ou que nous comparions nos usages d’Europe avec le genre d’hospitalité qu’elles nous offraient ; les cassolettes de parfums qui brûlaient dans un coin en embaumant l’air du soir ; les formes antiques des vases dans lesquels on nous offrait le sorbet ou les boissons aromatisées : tout cela au milieu d’une chambre délabrée, ouverte sur la mer, et où les branches d’un palmier, croissant dans la cour, s’introduisaient par de larges ouvertures sans fenêtres.

Je regrette de ne pas emporter ce souvenir pour mes amis, comme je l’emporte dans mon imagination.

Madame Malagamba la mère est Grecque, et née dans l’île de Chypre : elle y épousa, à quatorze ans, M. Malagamba, riche négociant franc, qui était en même temps consul à Larnaca. Des malheurs et des révolutions renversèrent la fortune de M. Malagamba ; il vint chercher une petite place d’agent consulaire à Acre, et y mourut, laissant sa femme et ses quatre enfants dans le dénûment le plus