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de feu. Tout l’horizon s’est abaissé en peu de moments, et s’est rétréci sur nous. Le tonnerre n’avait point d’éclats ; c’était un seul roulement majestueux, continu, et assourdissant comme le bruit des vagues au bord de la mer, pendant une forte tempête. Les éclairs ruisselaient véritablement, comme des torrents de feu du ciel, sur les flancs noirs du Carmel ; les chênes de la montagne et ceux des collines, où nous étions encore, ployaient comme des roseaux ; le vent qui sortait des gorges et des cavernes nous aurait renversés, si nous n’étions pas descendus de nos chevaux, et si nous n’avions pas trouvé un peu d’abri derrière les parois d’un rocher, dans le lit à sec d’un torrent. Les feuilles sèches, soulevées par l’orage, roulaient sur nos têtes comme des nuages, et les rameaux d’arbres pleuvaient autour de nous. Je me souvins de la Bible et des prodiges d’Élie, ce prophète exterminateur sur sa montagne : sa grotte n’était pas loin.

L’orage ne dura qu’une demi-heure. Nous bûmes l’eau de sa pluie, recueillie dans les couvertures de feutre de nos chevaux. Nous nous reposâmes quelques moments, à peu près à moitié chemin de Nazareth à Kaïpha, et nous reprîmes notre route en longeant le pied du mont Carmel ; la montagne sur notre gauche, une vaste plaine avec une rivière à droite. Le Carmel, que nous suivîmes ainsi pendant environ quatre heures de marche, nous présenta partout le même aspect sévère et solennel. C’est un mur gigantesque et presque à pic, revêtu partout d’un lit d’arbustes et d’herbes odoriférantes. Nulle part la roche n’y est à nu ; quelques débris, détachés de la montagne, ont glissé jusque dans la plaine. Ils sont comme des citadelles don-