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À midi, nous atteignîmes les plus hautes montagnes que nous avions à franchir. Nous commençâmes à redescendre par les sentiers les plus escarpés, où les pieds de nos chevaux tremblaient sur la pierre roulante qui nous séparait seule des précipices. — Après une heure de descente, nous aperçûmes, au tournant d’une colline, le palais fantastique de Dptédin, près de Deïr-el-Kammar. Nous jetâmes un cri de surprise et d’admiration, et, d’un mouvement involontaire, nous arrêtâmes nos chevaux pour contempler la scène neuve, pittoresque, orientale, qui s’ouvrait devant nos regards.

À quelques pas de nous, une immense nappe d’eau écumante sortait de l’écluse d’un moulin, et tombait, d’une hauteur de cinquante à soixante pieds, sur des rochers qui la brisaient en lambeaux flottants ; le bruit de cette chute d’eau et la fraîcheur qu’elle répandait dans l’air, et qui venait humecter nos fronts brûlants, préparait délicieusement nos sens à l’admiration dont ils aimaient à jouir. — Au-dessus de cette chute d’eau, qui se perdait dans les abîmes dont nous ne pouvions apercevoir le fond, s’ouvrait en entonnoir une vaste et profonde vallée, cultivée, depuis le pied jusqu’au sommet, en mûriers, en vignes, en figuiers, et où la terre était partout revêtue de la verdure la plus fraîche et la plus légère ; quelques beaux villages étaient suspendus en terrasses sur les déclivités de toutes les montagnes qui entouraient la vallée de Deïr-el-Kammar. — D’un seul côté l’horizon s’entr’ouvrait, et laissait voir, par-dessus des sommets moins élevés du Liban, la mer de Syrie. Ecce mare magnum ! dit David. — Voilà là-bas la grande mer bleue, avec ses vagues et ses mugissements, et ses immenses rep-