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en quart d’heure : « Venez, dit-elle ; je vais vous conduire dans un sanctuaire où je ne laisse pénétrer aucun profane : c’est mon jardin. » Nous y descendîmes par quelques marches, et je parcourus avec elle, dans un véritable enchantement, un des plus beaux jardins turcs que j’aie encore vus en Orient. — Des treilles sombres dont les voûtes de verdure portaient, comme des milliers de lustres, les raisins étincelants de la terre promise ; des kiosques où les arabesques sculptées s’entrelaçaient aux jasmins et aux plantes grimpantes, lianes de l’Asie ; des bassins où une eau, artificielle il est vrai, venait d’une lieue de loin murmurer et jaillir dans les jets d’eau de marbre ; des allées jalonnées de tous les arbres fruitiers de l’Angleterre, de l’Europe, de ces beaux climats ; de vertes pelouses semées d’arbustes en fleur, et des compartiments de marbre entourant des gerbes de fleurs nouvelles pour mes yeux : — voilà ce jardin. — Nous nous reposâmes tour à tour dans plusieurs des kiosques dont il est orné, et jamais la conversation intarissable de lady Esther ne perdit le ton mystique et l’élévation de sujet qu’elle avait eus le matin. « Puisque la destinée, me dit-elle à la fin, vous a envoyé ici, et qu’une sympathie si étonnante entre nos astres me permet de vous confier ce que je cacherais à tant de profanes, venez ; je veux vous faire voir de vos yeux un prodige de la nature dont la destination n’est connue que de moi et de mes adeptes : — les prophéties de l’Orient l’avaient annoncé depuis bien des siècles, et vous allez juger vous-même si ces prophéties sont accomplies. » Elle ouvrit une porte du jardin qui donnait sur une petite cour intérieure, où j’aperçus deux magnifiques juments arabes de première race, et d’une rare perfection de formes. « Approchez, me dit-elle, et regardez cette ju-