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ayant des armes superbes dans sa ceinture ; huit ou dix esclaves, dans diverses attitudes, étaient disséminés dans la chambre. Le bey me fit demander pardon de s’être laissé surprendre dans le moment de sa toilette, et me pria de m’asseoir sur le divan, non loin de lui. — Je m’assis, et la conversation commença. Nous parlâmes de l’objet de mon voyage, de l’état de la Grèce, des nouvelles limites assignées par la conférence de Londres, des négociations terminées de M. Stratford-Canning, toutes choses que le bey paraissait ignorer profondément, et sur lesquelles il m’interrogeait avec le plus vif intérêt. Bientôt un esclave, portant une longue pipe dont le bout était d’ambre jaune et le tuyau revêtu de soie plissée, s’approcha de moi à pas comptés, et en regardant la terre. Quand il eut calculé exactement en lui-même la distance précise du point du parquet où il poserait la pipe à ma bouche, il la plaça à terre ; et, marchant circulairement pour ne point la déranger de son aplomb, il vint à moi par un demi-tour, et me remit, en s’inclinant, le bout d’ambre entre les mains à portée de mes lèvres. Je m’inclinai à mon tour vers le pacha, qui me rendit mon salut, et nous commençâmes à fumer. Un lévrier blanc d’Athènes, la queue et les pattes peintes en jaune, dormait aux pieds du bey. Je lui fis compliment sur la beauté de cet animal, et lui demandai s’il était chasseur. Il me dit que non, mais que son fils, alors à Négrepont, aimait passionnément cet exercice ; il ajouta qu’il m’avait vu passer dans les rues d’Athènes avec un lévrier blanc aussi, mais de plus petite race, qu’il avait trouvé incomparablement beau ; et que si j’en avais plusieurs, il serait au comble de la joie d’en posséder un pareil. Je lui promis, à mon retour dans ma patrie, de lui en faire parvenir un, en signe de souvenir et