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commandé par M. le capitaine Cuneo d’Ornano ; mais il ne nous escortera que jusqu’à Rhodes.

Je dîne chez M. Rouen, ministre de France en Grèce ; j’ai dû moi-même occuper ce poste sous la Restauration. Il me félicite de ne l’avoir pas obtenu. M. Rouen, qui a passé à Nauplie tous les mauvais jours de l’anarchie grecque, soupire après sa délivrance. Il se console de la sévérité de son exil en accueillant ses compatriotes, et en représentant, avec une grâce et une cordialité parfaites, la haute protection de la France dans un pays qu’il faut aimer dans son passé et dans son avenir.




15 août 1832.


Je n’écris rien : mon âme est flétrie et morne comme l’affreux pays qui m’entoure ; rochers nus, terre rougeâtre ou noire, arbustes rampants ou poudreux, plaines marécageuses où le vent glacé du nord, même au mois d’août, siffle sur des moissons de roseaux : voilà tout. Cette terre de la Grèce n’est plus que le linceul d’un peuple ; cela ressemble à un vieux sépulcre dépouillé de ses ossements, et dont les pierres mêmes sont dispersées et brunies par les siècles. Où est la beauté de cette Grèce tant vantée ? où est son ciel doré et transparent ? Tout est terne et nuageux