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9 août.


Je me lève avec le soleil, pour voir enfin de près le golfe d’Argos, Argos, Nauplie, la capitale actuelle de la Grèce. Déception complète : Nauplie est une misérable bourgade bâtie au bord d’un golfe profond et étroit, sur une marge de terre tombée des hautes montagnes qui couvrent toute cette côte, les maisons n’ont aucun caractère étranger ; elles sont bâties dans la forme des habitations les plus vulgaires des villages de France ou de Savoie. La plupart sont en ruine, et les pans de murs, renversés par le canon de la dernière guerre, sont encore couchés au milieu des rues. Deux ou trois maisons neuves, peintes de couleurs crues, s’élèvent sur le quai, et quelques cafés et boutiques de bois s’avancent sur les pilotis dans la mer : ces cafés et ces balcons sur l’eau sont couverts de quelques centaines de Grecs dans leur costume le plus recherché, mais le plus sale ; ils sont assis ou couchés sur les planches ou sur le sable, formant mille groupes pittoresques. Toutes les physionomies sont belles, mais tristes et féroces ; le poids de l’oisiveté pèse dans toutes leurs attitudes. La paresse des Napolitains est douce, sereine et gaie : c’est la nonchalance du bonheur ; la paresse de ces Grecs est lourde, morose et sombre : c’est un vice qui se punit lui-même. Nous détournons nos yeux de Nauplie, nous admirons la belle forteresse de Palamide, qui règne sur toute la montagne dont la ville est dominée ; les murailles crénelées ressemblent aux dentelures d’un rocher naturel.