Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/463

Cette page n’a pas encore été corrigée


Déjà l’hiver blanchit les sommets de ma vie
Sur la route au tombeau que mes pieds ont suivie ;
Ah ! j’ai derrière moi bien des nuits et des jours !
Un regard de quinze ans, s’il y daignait descendre,
Dans mon cœur consumé ne remuerait que cendre,
Cendre de passions qui palpitent toujours !

Je devrais détourner mon cœur de leur visage,
Me ranger en baissant les yeux sur leur passage,
Et regarder de loin ces fronts éblouissants,
Comme l’on voit monter de leur urne fermée
Les vagues de parfum et de sainte fumée
Dont les enfants de chœur vont respirer l’encens !

Je devrais contempler avec indifférence
Ces vierges, du printemps rayonnante espérance,
Comme l’on voit passer sans regret et sans pleurs,
Au bord d’un fleuve assis, ces vagues fugitives
Dont le courant rapide emporte à d’autres rives
Des flots où des amants ont effeuillé des fleurs !

Cependant plus la vie au soleil s’évapore,
O filles de l’Éden ! et plus on vous adore !
L’odeur de vos soupirs nous parfume les vents ;
Et même quand l’hiver de vos grâces nous sèvre,
Non ! ce n’est pas de l’air qu’aspire votre lèvre :
L’air que vous respirez, c’est l’âme des vivants !

Car l’homme éclos un jour d’un baiser de ta bouche,
Cet homme dont ton cœur fut la première couche,
Se souvient â jamais de son nid réchauffant,
Du souffle où de sa vie il puisa l’étincelle,
Des étreintes d’amour au creux de ton aisselle,
Et du baiser fermant sa paupière d’enfant !