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Frère du même lait, que veux-tu que je dise ?
Que suis-je à ses destins, pour que je les prédise ?
Moi qui sais sourdement que son sein a gémi,
Moi qui ne vois de jour que celui qu’elle allume,
Moi qu’un atome ombrage et qu’un éclair consume,
Et qui sens seulement au frisson de ma plume
Que l’onde où je nage a frémi !

Écoute, cependant ! Il est dans la nature
Je ne sais quelle voix sourde, profonde, obscure,
Et qui révèle à tous ce que nul n’a conçu.
Instinct mystérieux d’une âme collective,
Qui pressent la lumière avant que l’aube arrive,
Lit au livre infini sans que le doigt écrive,
Et prophétise à son insu !

C’est l’aveugle penchant des vagues oppressées
Qui reviennent sans fin, de leur lit élancées,
Battre le roc miné de leur flux écumant ;
C’est la force du poids qui dans le corps gravite,
La sourde impulsion des astres dans l’orbite,
Ou sur l’axe de fer l’aiguille qui palpite
Vers les pôles où dort l’aimant ;

C’est l’éternel soupir qu’on appelle chimère,
Cette aspiration qui prouve une atmosphère,
Ce dégoût du connu, cette soif du nouveau,
Qui semblent condamner la race qui se lève
À faire un marchepied de ce que l’autre achève,
Jusqu’à ce qu’au niveau des astres qu’elle rêve
Son monde ait porté son niveau !