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Faut-il avoir dans son enfance.
Gardien d’onagre et de brebis,
Brandi la fronde pour défense,
Porté leurs toisons pour habits ?
Faut-il avoir sur les collines,
Errant du rocher aux épines.
Déchiré ses pieds au buisson ?
La nuit, épiant solitaire
Les soupirs du cœur de la terre,
Monté son âme à l’unisson ?

Faut-il d’une pieuse femme,
A la mamelle de ta foi,
Avoir bu ce saint lait de l’âme
Où s’allume la soif de toi ?
Faut-il, enfant des sacrifices,
Avoir transvasé les prémices
Dans les corbeilles du saint lieu,
Et retenu ce doux bruit d’ailes
Que font les prières mortelles
En Rabattant aux pieds de Dieu ?

Faut-il avoir aimé son frère
Jusqu’à l’exil, jusqu’au trépas,
Et, persécuté par son père,
Versé son cœur sur Jonathas ?
Coupable d’amours insensées,
Faut-il avoir dans ses pensées
Retourné cent fois le remord,
Meurtri ses membres sur sa couche,
Et, déjà vieux, collé sa bouche
Aux pieds glacés de son fils mort ?