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Non, Dieu ne brise pas sous ses fruits immortels
L’arbre dont le génie a fait courber la tige ;
Ce qu’oublia le temps, ce que l’homme néglige,
Il le réserve à ses autels !

Ce qui meurt dans les airs, c’est le ciel qui l’aspire :
Les anges amoureux recueillent flots à flots
Cette vie écoulée en stériles sanglots ;
Leur aile emporte ailleurs ce que ta voix soupire
De ces langueurs de l’âme où gémit ton destin,
De tes pleurs sur ta joue, hélas ! jamais cueillies,
De ces espoirs trompés, et ces mélancolies,
Qui pâlissent ion pur matin.

Ils composent tes chants, mélodieux murmure
Qui s’échappe du cœur par le cœur répondu,
Comme l’arbre d’encens que le fer a fendu
Verse en baume odorant le sang de sa blessure !
Aux accords du génie, à ces divins concerts,
Ils mêlent étonnés ces pleurs de jeune fille
Qui tombent de ses yeux et baignent son aiguille,
Et tous les soupirs sont des vers !

Savent-ils seulement si le monde l’écoute ?
Si l’indigence énerve un génie inconnu ?
Si le céleste encens au foyer contenu
Avec l’eau de ses yeux dans l’argile s’égoutte ?
Qu’importe aux voix du ciel l’humble écho d’ici-bas ?
Les plus divins accords qui montent de la terre
Sont les élans muets de l’âme solitaire,
Que le vent même n’entend pas.