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Que lui fait la fleur bleue ou blanche
Qui, liée en faisceau doré,
Sur le bras qui l’emporte, penche
Son front mort et décoloré ?
« Portez les blonds épis sur mon aire d’argile !
Faites jaillir le blé de la paille fragile !
La fleur parfumera le froment de son miel,
Et broyé sous la meule où Dieu fait sa mouture,
Ce grain d’or deviendra la sainte nourriture
Que rompent les enfants du ciel ! »
Seigneur ! ainsi tu l’as cueillie
Aux jours de sa félicité,
Cette femme qui multiplie
Ton nom dans sa postérité !
En vain, dans le lit d’or dont ses jours étaient l’onde.
On voyait resplendir l’eau limpide et profonde,
En vain sa chevelure à ses pieds ruisselait,
En vain un tendre enfant, dernier fruit de sa couche,
Ouvrait les bras à peine et s’essuyait la bouche
Teinte encor de son chaste lait.
Tu vois cette âme printanière,
Fructifiant avant l’été,
Répandre en dons, comme en prière,
Son parfum de maturité ;
Et tu dis à la Mort, ministre de ta grâce :
« Laisse tomber sur elle un rayon de ma face ;
Qu’elle sèche d’amour pour mes biens immortels ! »
Et la Mort t’obéit et t’apporte son âme,
Comme le vent enlève une langue de flamme
De la flamme de tes autels !