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mouvement ; jamais une goutte de sang ne tacha sa supériorité dans les armes : il aurait donné le sien pour un enfant. Il cherchait un maître en philosophie : l’amour le lui donna.

Bernardin de Saint-Pierre, l’auteur de Paul et Virginie, un des premiers livres du cœur, vivait alors à Paris. C’était un beau vieillard de près de quatre-vingts ans, tel que les bas-reliefs de marbre antique nous représentent le philosophe de Sunium entouré de ses disciples, l’œil inspiré, la bouche d’or, les cheveux flottants, le geste affectueux et grave. Ce beau vieillard conservait sous la neige l’adoration de la jeunesse et de la beauté. Il venait d’épouser une jeune fille d’un grand nom, de formes accomplies, d’un esprit sérieux et tendre, d’une vertu pieuse, Mlle de Pelleporc.

Elle avait un culte et presque une adoration pour ce sage, beau d’une autre beauté lui-même, qui lui avait confié ses derniers jours. Aimé Martin, introduit comme disciple chez Bernardin de Saint-Pierre, conçut une pure et respectueuse passion pour cette jeune femme, fleur de dix-neuf ans, croissant si près d’un tombeau. Il était trop probe de cœur pour avouer son sentiment à celle qui en était l’objet, et pour déshériter ce vieillard du bonheur et de la sécurité de son dernier amour : il ne se l’avoua pas à lui-même tant que M. de Saint-Pierre vécut ; mais à son insu, il y eut dans son dévouement pour son maître quelque chose de plus filial et de plus tendre que si ce philosophe n’eût pas eu cette Héloïse dans sa maison.

Quelque temps après la mort de Bernardin de Saint-Pierre, Aimé Martin, devenu célèbre et riche, demanda et obtint dans la main de sa jeune veuve la récompense de sept