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et qui se trempe dans cet air des nuits n’éprouve pas un frisson universel, ne se môle pas instantanément à toute cette magnifique confidence du firmament et des montagnes, des étoiles et des prés, du vent et des arbres, et qu’une rapide et bondissante pensée ne s’élance pas du cœur pour monter à ces étoiles, et de ces étoiles pour monter à Dieu ? Quelque chose s’échappe de moi pour se confondre à toutes ces choses ; un soupir me ramène à tout ce que j’ai connu, aimé, perdu dans cette maison et ailleurs ; une espérance forte et évidente comme la Providence, dans la nature, me reporte au sein de Dieu, où tout se retrouve : une tristesse et un enthousiasme se confondent dans quelques mots que j’articule tout haut sans crainte que personne les entende, excepté le vent qui les porte à Dieu. Le froid du matin me saisit ; mes pas craquent sur le givre, je referme ma fenêtre et je rentre dans ma tour, où le fagot réchauffant pétille et où mon chien m’attend.

Que faire alors, mon cher ami, pendant ces trois ou quatre longues heures de silence qui ont à s’écouler en novembre entre le réveil et le mouvement de la lumière et du jour ? Tout dort dans la maison et dans la cour ; à peine entend-on quelquefois un coq, trompé par la lueur d’une étoile, jeter un cri qu’il n’achève pas et dont il semble se repentir, ou quelque bœuf endormi et rêvant dans l’étable pousser un mugissement sonore qui réveille en sursaut le bouvier. On est sûr qu’aucune distraction domestique, aucune visite importune, aucune affaire du jour, ne viendra vous surprendre de deux ou trois heures et tirailler votre pensée. On est calme et confiant dans son loisir : car le jour est aux hommes, mais la nuit n’est qu’à Dieu.

Ce sentiment de sécurité complète est à lui seul une volupté. J’en jouis un instant avec délices. Je vais, je viens,