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CHAPITRE PREMIER.

l’Arno, à une demi-lieue de Florence. Nous étions tous les deux de première force en escrime. Le colonel avait plus de fougue, moi plus de sang-froid. Le combat dura plus de dix minutes. J’eus cinq ou six fois la poitrine découverte du colonel sous le pointe de mon épée : j’évitai de l’atteindre. J’étais résolu de me laisser tuer, plutôt que d’ôter la vie à un brave soldat criblé de blessures, pour une cause qui n’était point personnelle, et qui, au fond, honorait son patriotisme. Je sentais aussi que si j’avais le malheur de le tuer, je serais forcé de quitter l’Italie à jamais. Après deux reprises, le colonel me perça le bras droit d’un coup d’épée. On me rapporta à Florence. Ma blessure fut guérie en un mois.

XXXVIII

Les duels sont punis de mort en Toscane. Le nôtre avait eu trop d’éclat pour que le gouvernement pût feindre de l’ignorer. Ma qualité de représentant d’une puissance étrangère me couvrait ; la qualité de réfugié politique aggravait celle du colonel Pepe. On le recherchait. J’écrivis au grand-duc, prince d’une âme grande et noble, qui m’honorait de son amitié, pour obtenir de lui que le colonel Pepe ne fût ni proscrit de ses États, ni inquiété pour un fait dont j’avais été deux fois le provocateur. Le grand-duc ferma les yeux. Le public, touché de mon procédé et atten-