Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
CHAPITRE PREMIER.

Lance, au retour des nuits, des gerbes de clartés ;
La mer rougit des feux dans son sein reflétés ;
Et les vents agitant ce panache sublime,
Comme un pilier en feu d’un temple qui s’abîme,
Font pencher sur Pœstum, jusqu’à l’aube des jours,
La colonne de feu, qui s’écroule toujours.
À la sombre lueur de cet immense phare,
Harold longe les bords où frémit le Ténare ;
Où l’Élysée antique, en un désert changé,
Étalant les débris de son sol ravagé,
Du céleste séjour dont il offrait l’image
Semble avoir conservé les astres sans nuage.
Mais là, près de la tombe ou le grand cygne dort,
Le vaisseau, tout à coup, tourne sa poupe au bord.
Fuyant de vague en vague, Harold, avec tristesse,
Voit sous les flots brillants la rive qui s’abaisse ;
Bientôt son œil confond l’océan et les cieux ;
Et ces bords immortels, disparus à ses yeux,
Semblant s’évanouir en de vagues nuages,
Comme un nom qui se perd dans le lointain des âges.

Italie ! Italie ! adieu, bords que j’aimais !
Mes yeux désenchantés te perdent pour jamais I
Ô terre du passé, que faire en tes collines ?
Quand on a mesuré tes arcs et tes ruines,
Et fouillé quelques noms dans l’urne de la mort,
On se retourne en vain vers les vivants : tout dort.
Tout, jusqu’aux souvenirs de ton antique histoire,
Qui te feraient du moins rougir devant ta gloire !
Tout dort, et cependant l’univers est debout !
Par le siècle emporté tout marche, ailleurs, partout 1
Le Scythe et le Breton, de leurs climats sauvages
Par le bruit de ton nom guidés vers tes rivages,
Jetant sur tes cités un regard de mépris,
Ne t’aperçoivent plus dans tes propres débris.