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FIOR D’ALIZA.

Livrant le faible au fort et le juste au trépas,
Et dont la raison dit : « Est-il ? ou n’est-il pas ? »
Ses compagnons épars, groupés sur le navire,
Ne parlent point entre eux de foi ni de martyre,
Ni des prodiges saints par la croix opérés,
Ni des péchés remis dans les lieux consacrés,
D’un plus fier évangile apôtres plus farouches,
Des mots retentissants résonnent sur leurs bouches
Gloire, honneur, liberté, grandeur, droits des humains
Mort aux tyrans sacrés égorgés par leurs mains,
Mépris des préjugés sous qui rampe la terre,
Secours aux opprimés, vengeance, et surtout guerre
Ils vont, suivant partout l’errante Liberté,
Répondre en Orient au cri qu’elle a jeté ;
Briser les fers usés que la Grèce assoupie
Agite, en s’éveillant, sur une race impie ;
Et voir dans ses sillons, inondés de leur sang
Sortir d’un peuple mort un peuple renaissant.
Déjà, dorant les mâts, le rayon de l’aurore
Se joue avec les flots que sa pourpre colore ;
La vague, qui s’éveille au souffle frais du jour,
En sillons écumeux se creuse tour à tour ;
Et le vaisseau, serrant la voile mieux remplie,
Vole, et ruse de près la côte d’Italie.
Harold s’éveille ; il voit grandir dans le lointain
Les contours azurés de l’horizon romain ;
Il voit sortir grondant, du lit fangeux du Tibre,
Un flot qui semble enfin bouillonner d’être libre,
Et Socrate, dressant son sommet dans les airs,
Seul se montrer debout où tomba l’univers.
Plus loin, sur les confins de cette antique Europe
Dans cet Éden du monde où languit Parthénope,
Comme un phare éternel sur les mers allumé,
Son regard voit fumer le Vésuve enflammé :
Semblable au feu lointain d’un mourant incendie,
Sa flamme, dans le jour un moment assoupie,