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CHAPITRE VI.

le voisinage ; ils furent aperçus d’en haut par le jeune bandit.,

Sauve-toi, en te courbant sous les myrtes, lui dit sa courageuse compagne, et laisse-moi dépister ceux qui montent à ta poursuite ; une fille n’a pas à craindre d’être prise pour un brigand..

À ces mots, la jeune Maremmaise poussa son amant à gauche, dans un sentier qui menait à la mer ; quant à elle, elle saisit le tromblon, la poire à poudre, le sac à balles et le chapeau pointu du brigand, et, se jetant à gauche, sous les arbustes moins hauts que sa tête, elle se mit à tirer, de temps en temps, un coup de son arme a feu en l’air, pour que la détonation et la fumée attirassent les sbires tous de son côté, et laissassent à son compagnon le temps de descendre par où on ne l’attendait pas, vers la mer ; elle laissait voir, a dessein, son chapeau calabrais par-dessus les feuilles, pour faire croire aux gendarmes que c’était le brigand qui s’enfuyait en tirant sur eux.

Quand elle reconnut que sa ruse avait réussi et que son amant était en sûreté, dans une barque à voile triangulaire qui filait comme une mouette le long des écueils, elle jeta son tromblon, son chapeau, sa poudre et ses balles dans une crevasse, et elle se laissa prendre sans résistance. Elle n’avait tué personne, et n’avait exposé qu’elle-même aux coups de feu des gendarmes. Mais eux, honteux et indignes d’avoir été trompés par une jeune fille qui leur