Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
CHAPITRE V.

aurez éprouvé mes pauvres services ; pourvu que mon père et ma tante mangent leur pain retranché du morceau que vous me donnerez, je ne demande que leur vie par-dessus la mienne.

— Eh bien ! c’est dit, s’écria-t-elle en battant ses mains l’une contre l’autre, comme quelqu’un qui est content ; descends avec moi dans le guichet où mon mari t’attend pour t’enseigner le métier, et laisse là ton bâton, ton manteau de peau et ta zampogne dans ta chambre ; il te faut un autre costume et d’autres airs maintenant. Mais ton visage, ajouta-t-elle en riant, et en me passant la main sur la joue pour en écarter les boucles blondes, ton visage est bien doux pour la face d’un porte-clefs ; il faudra que tu te fasses, non pas méchant, mais grave et sévère ; voyons, fais une moue un peu rébarbative, quoique tu n’aies pas encore un poil de barbe.

— Soyez tranquille, madame, lui répondis-je en palissant d’émotion, je ne rirai pas souvent en faisant mon métier ; je n’ai pas envie de rire en voyant la peine d’autrui, et, de plus, je n’ai jamais été rieur, tout en jouant, pour ceux qui rient, des airs de fête.