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FIOR D’ALIZA.

cris vifs et précipités, moitié peur, moitié joie, pour aller s’abattre sur le nid où ils s’aiment et où ils se taisent pour qu’on ne puisse plus les découvrir sous la feuille.

L’air finissait et recommençait par cinq ou six petits soupirs, l’un triste, l’autre gai, de manière que cela semblait ne rien signifier du tout, et que cependant cela faisait rêver, pleurer et se taire comme a l’Adoration devant le Saint-Sacrement, le soir, après les litanies, à la chapelle de San Stefano, dans notre montagne, quand l’orgue joue de contentement dans le vague de l’air.

CLXVII

Je vous laisse à penser, mon père, si je jouai bien cette nuit-là l’air de Fior d’Aliza et d’Hyeronimo (car c’était ainsi que nous avions baptisé cette musique).

Vous l’appeliez vous-mêmes ainsi, mon père et ma tante ! quand vous nous disiez à l’un ou à l’autre : « Jouez aux chèvres l’air que vous avez trouvé à vous deux ! » Les chevreaux en bondissaient de plaisir dans les bruyères ; ils s’arrêtaient de brouter, les pieds de devant contre les rochers et la tête tournée vers nous pour écouter (les pauvres bêtes !).

Je jouai donc l’air à nous deux, avec autant de mémoire que si nous venions de le composer, sous la geôle, et avec