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FIOR D’ALIZA.

son aiguillon de réseau à la main, se tenait debout, arrêté devant les gros bœufs ; il leur chassait les mouches du flanc avec une branche feuillue de saule ; leurs cornes luisantes, leur joug poli, de bois d’érable, étaient enlacés de sarments de vigne encore verte dont les pampres, et les feuilles balayaient la poussière de la route jusque sur leurs sabots vernis de cire jaune par le jeune bouvier ; ils regardaient à droite et à gauche, d’un œil doux et oblique, comme pour demander pourquoi on les avait arrêtés, et ils poussaient de temps en temps des mugissements profonds, mais joyeux, comme des zampognes vivantes qui auraient joué d’elles-mêmes un air de fête.

CXLV

Voila ce que je vis devant moi, monsieur, en rouvrant les yeux à la lumière.

Les deux fiancés m’avaient adossée sur mon séant contre le parapet du pont, à l’ombre, et ils me regardaient doucement avec de belle eau dans les yeux ; on voyait qu’ils attendaient, pour questionner, que je leur parlasse moi-même la première ; mais je n’osais pas seulement lever un regard sur tout ce beau monde pour lui dire le remercîment que je me sentais dans le cœur.

— C’est la faim, disait le fiancé, et il m’offrait un mor-