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FIOR D’ALIZA.

c’est être à demi déchargé. Allons, et fions-nous à l’ange de la Bible qui nourrissait les lions dans la fosse de Daniel, pour qu’ils ne dévorassent pas l’innocent persécuté.

CXL

Tout en parlant ainsi en moi-même, je repris la zampogne, le manteau, le bâton à pointe ferrée de mon oncle, et je me risquai à sortir, route rougissante, mais toute réconfortée, de dessous l’arche du pont.

C’était l’heure de midi : personne ne passait en ce moment sur la route à cause du grand soleil et de la grande poussière.

Quand je fus seule ainsi, sur le haut du pont, je vis tout au sommet de l’arche du milieu un pilier creusé en niche où rayonnait une Madone toute couverte d’or et d’argent, de fleurs en papier, et de poussière sous sa grille. Je me sentis inspirée de tomber à genoux devant elle et de lui jouer un air de montagne, afin de l’attendrir sur mon sort, mais surtout sur celui d’Hyeronimo ; je me dis : Personne ne me voit ni ne m’entend qu’elle, personne ne me donnera un pauvre baïoque ou un pauvre carlin (autre pièce de monnaie populaire dans cette partie de l’Italie) ; ce n’est donc pas pour le monde, c’est bien pour elle toute seule que je vais jouer, elle m’en saura plus gré que si c’était