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CHAPITRE V.

des Abruzzes, qu’on écoute au pied des croix et des niches des villages, et à qui on ne demande pas d’où il vient.

Ma tante et mon père vous diront que nous nous étions appris dès notre tendre âge, Hyeronimo et moi, a jouer aussi bien l’un que l’autre de cet instrument, et que mes doigts connaissaient les trous du chalumeau aussi bien que les doigts de l’organiste des Camaldules connaissent, sans qu’il les regarde, les touches obéissantes de son orgue.

Je m’étais dit en moi-même, en m’habillant : Prends aussi la zampogne, cela te servira de contenance, de gagne pain, de passe-port, et, qui sait, peut-être de salut, à la recherche de Hyeronimo dans la ville ; car le son, c’est plus pénétrant encore que les yeux, cela perce les murs, et si je ne puis pas le voir, par hasard, il pourra m’entendre ! Enfin, ce fut une inspiration de quelqu’un de ces chérubins qu’on voit jouer de leurs harpes dans les voûtes peintes du dôme des églises, sans doute, preuve que le ciel même se plaît à la musique des pifferari, qui joue le mieux la prière de leurs cœurs, des pauvres vieillards ou des pauvres enfants, sur leurs instruments.

Ainsi travestie, je poussai doucement la porte au crépuscule du matin, espérant que mon père et ma tante, éloignés du seuil de la maison ou endormis dans les larmes, ne s’apercevraient pas de mon dessein.

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