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FIOR D’ALIZA.

tante disait à mon père, qui ne m’entendait plus si folâtre : « Ne t’inquiète pas, mon frère, c’est la mue. L’oiseau fait ses ailes, la chevrette fait ses dents, l’enfant fait son cœur » Et je les entendais rire tout bas.

CXXVIII

Mais Hyeronimo, qui ne comprenait rien à mes changements, à mes silences et à mes éloignements de lui, paraissait lui-même malade de cœur et d’humeur, de la même fièvre et de la même langueur que moi ; à mon dépit, il semblait à présent moins me chercher que me fuir ; il ne me regardait plus en face et jusqu’au fond du regard comme auparavant ; il frissonnait comme la feuille du tremble quand, par hasard, il fallait que sa main touchât la mienne en jetant les panouilles de maïs dans mon tablier ou en retournant les figues dans le même panier sur le toit ; nous ne nous parlions plus que de côté, quand il fallait absolument se parler pour une chose ou pour une autre, et pourtant, nous ne nous haïssions pas, car, à notre insu, nous étions aussi habiles à nous chercher qu’à nous fuir, tellement qu’on aurait dit que nous ne nous fuyions que pour nous retrouver, et que nous ne nous retrouvions que pour nous fuir.

Je me disais : Est-ce que je ne l’aime pas ? Mais qu’est--