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FIOR D’ALIZA.

fait tourner, malgré tant de transes, au profit de l’amour. Regardez ce bel enfant de trois mois qui dort, tout rose, sur sa coupe blanche et toujours pleine ; c’est pourtant un fruit de veille de mort. Qui le dirait à le voir ?

La jeune mère regarda en dessous le visage endormi de son beau nourrisson et sourit de souvenir en s’envermeillant de pudeur ; puis elle raconta, sans lever une seule fois les yeux, et comme par pure obéissance à son père, ce qu’on va lire. Cela sortait de sa bouche sans chaleur, sans exclamation, sans style, sobrement, simplement, sans bruit, sans couleur, comme la lumière sort de la lampe quand on l’allume. Le crépuscule, qui commençait a tomber et à assombrir l’air dans la cabane, la vêtissait d’une brume de Rembrandt, dans l’angle, entre l’âtre et la fenêtre ; ce demi-jour, presque nuit, rassurait sa timidité un peu sauvage ; et puis on voyait qu’elle attendait quelqu’un à chaque minute (c’était Hyeronimo), et qu’elle avait besoin de parler fiévreusement de lui et d’elle pour dévorer par des paroles l’amoureuse impatience de ce cher retour.

Quant à l’enfant, il continuait dormir sur le blanc oreiller, pendant que la jeune femme allait raconter comment il était venu au monde, entre deux rosées de sang et de larmes.