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FIOR D’ALIZA.

avec Fior d’Aliza, me dit vite que c’était celle du scribe Nicolas del Calamayo) ; vous allez le savoir a vos dépens. Dites adieu à votre arbre, il ne vous donnera ni ombre ce soir, ni châtaignes cet automne. Le propriétaire l’a vendu hier au maître de ces bûcherons, pour l’abattre et pour l’exploiter à son profit. Il m’a chargé de monter à sa place jusqu’ici pour leur livrer l’arbre et pour verbaliser contre vous si vous mettiez obstacle à la livraison.

— Comment si j’y mets obstacle ! m’écriai-je en me précipitant les deux bras ouverts et tendus devant moi pour me jeter entre l’arbre et la hache ; mais c’est comme si vous commandiez de ne pas m’opposer à ce qu’on enlevât ma tête aveugle de dessus mes épaules ! Cet arbre, monsieur, c’est autant que ma tête !… c’est plus que ma pauvre tête, ajoutai-je en pleurant ; c’est la vie de toute ma famille, c’est le père nourricier de ma sœur, de mon neveu, de ma fille et de moi ! Vous savez bien, vous qui avez apporté le papier qui nous a dépouillés de tout ce qui faisait vivre ici les Zampognari depuis les siècles des siècles, vous savez bien qu’on ne nous a laissé que ces trois grosses branches qui s’étendent de notre côté sur la pelouse et sur la maison qui nous restent ; vous savez bien que ces branches sont à nous, c’est encore assez, car l’arbre est si grand que ces seules branches, le quart de l’arbre, nous rempliront encore au moins huit sacs de châtaignes ; c’est juste ce qu’il faut pour quatre bouches, en économisant. Vous me tueriez plutôt contre le châtaignier