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FIOR D’ALIZA.

des litières a nos bêtes, parce que, disaient-ils, la mousse tient chaud à la terre, et que cette terre n’était plus à nous. S’ils avaient pu, ils auraient confisqué le vent et interdit aux petites hirondelles de venir nous réjouir de leur habillage dans leurs nids cachés sous le rebord du toit. Mon Dieu ! avions-nous à souffrir ! Et cependant l’air est si bon ici, sur ces cimes où la mal’aria n’ose pas monter !

Hyeronimo devenait le plus bel adolescent de toute la plaine de Lucques ; quant à Fior d’Aliza, la force de la jeunesse est telle qu’elle florissait d’autant mieux sous nos larmes qu’elle avait plus de peine, comme ces herbes du bord de la cascade, qui sont d’autant plus riches et d’autant plus rouges qu’elles sont plus souvent mouillées par l’écume et desséchées par le rayon de soleil. Elle chantait déjà sur la porte qu’elle avait encore une goutte de pleurs sur les cils des yeux. On dit qu’elle éblouissait tous les pèlerins, qui s’arrêtaient exprès pour lui demander une gorgée d’eau dans sa cruche. « Si les anges habitaient encore les hauts lieux, disaient-ils entre eux, en s’éloignant et en se retournant pour la regarder encore, nous dirions que ce n’est pas une fille de l’homme, mais une créature de lumière. ». J’étais tout réjoui quand la mère de Hyeronimo, qui l’aimait comme sa fille, me rapportait ce qu’elle avait entendu ainsi de la bouche des passants. Hyeronimo s’en apercevait aussi tous les jours davantage ; il en était fier, mais aussi un peu jaloux. Il n’aimait pas que ces sbires rôdassent sans cesse autour de nos limites. Fior d’Aliza, toutes les fois qu’elle