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FIOR D’ALIZA.

dans les rejets de châtaigniers, sur les hautes montagnes du couvent, abandonnées aux daims et aux chevreuils.

Les deux enfants revinrent bientôt, chargés de plus d’herbes et de feuilles qu’il n’en fallait pour les cinq brebis et les trois chèvres ; mais la liberté manquait aux pauvres bêtes : elles nous regardaient et semblaient nous demander de l’œil pourquoi nous ne les laissions plus brouter et bondir à leur fantaisie dans le ravin et sur le rocher. Il fallut même aller leur chercher à boire comme à des personnes. Fior d’Aliza et Hyeronimo commencèrent à tracer, en descendant et en remontant, leur sentier étroit vers la source, dont le pré, la grotte et le bassin leur appartenaient tout entiers la veille.

XCIII

Ce fut ainsi, monsieur, que notre vie se replia tout coup comme un mouchoir qu’on aurait déchiré dans une pièce de toile. Nous eûmes bien de la peine à nous y faire les premiers temps, et nos pauvres bêtes bien plus encore : elles s’échappaient bien souvent de l’étable, de la cour, de la corde, des mains même de Fior d’Aliza, pour courir dans le ravin, dans les mûriers, même dans la vigne. Quand le fattore (le chef des métayers du capitaine des sbires) montait à la montagne, il y avait toujours quelques pampres traînant rongés par les chèvres dans les ceps, ou