Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
jocelyn.

De quels bruits enchanteurs l’oreille était frappée !
Adieux, regrets, baisers, parole entrecoupée,
Murmure que la nuit peut à peine assoupir,
D’un beau jour qui s’éteint tendre et dernier soupir :
Mon âme s’en troublait ; mon oreille ravie
Buvait languissamment ces prémices de vie ;
Je suivais des regards, et des pas, et du cœur,
Les danseuses passant l’œil chargé de langueur ;
Je rêvais aux doux bruits de leurs robes de soie ;
Chacune en s’en allant m’emportait une joie.
Puis enfin, danse et bruit, tout avait disparu,
Sur la crête des monts la lune avait couru :
À peine quelque amant, trop oublieux de l’heure,
Regagnait en rêvant sa lointaine demeure,
Ou, longtemps arrêtés au coude du chemin,
Quelques couples tardifs, une main dans la main,
Laissaient sonner deux fois l’heure avancée et sombre,
Et sous les châtaigniers disparaissaient dans l’ombre.

Maintenant je suis seul dans ma chambre. Il est nuit ;
Tout dort dans la maison ; plus de feux, plus de bruit ;
Dormons ! – mais je ne puis assoupir ma paupière.
Prions ! – mais mon esprit n’entend pas ma prière.
Mon oreille est encor pleine des airs dansants
Que les échos du jour rapportent à mes sens ;
Je ferme en vain mes yeux, je vois toujours la fête ;
La valse aux bonds rêveurs tourne encor dans ma tête ;
Du bal, hélas ! fini, fantômes gracieux,
Mille ombres de beautés dansent devant mes yeux ;
Je vois luire un regard dans la nuit ; il me semble
Sentir de douces mains presser ma main qui tremble ;
De blonds cheveux jetés par le cercle mouvant
Sur ma peau qui frémit glissent comme un doux vent ;