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prologue.

Semblables à ces mots qu’un rêveur solitaire
Du bout de son bâton écrit avec mystère,
Caractères battus par la pluie et les vents,
Et dont l’œil se fatigue à renouer le sens.
Bien des dates manquaient à ce journal sans suite,
Soit qu’il eût déchiré la page à peine écrite,
Ou soit que Marthe en eût allumé ses flambeaux,
Et les vents sur son toit dispersé les lambeaux.
Déplorant à mon cœur mainte feuille ravie,
Mon œil de ces débris recomposait sa vie,
Comme l’œil, éclairé d’un rayon de la nuit,
Et s’égarant au loin sur l’horizon qui fuit,
Voit les anneaux glissants d’un fleuve à l’eau brillante
Dérouler flots à flots leur nappe étincelante,
Se perdre par moment sous quelque tertre obscur,
Dans la plaine plus bas reparaître plus pur,
Se briser de nouveau dans les prés qu’il arrose ;
Mais, suivant du regard le sillon qu’il suppose,
Et sous les noirs coteaux devinant ses détours,
De mille anneaux rompus recompose un seul cours.
C’est ainsi qu’à travers de confuses images,
De ce journal brisé j’ai reconnu les pages.
Si d’une ombre souvent le texte est obscurci,
Complétez en lisant ces pages ; les voici.