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notes.

chant ; ce sont les chariots à l’essieu traînant, de la déesse Éleusine ; les madriers pour briser l’épi, les traîneaux, les râteaux aux pesantes ferrures ; enfin l’humble attirail d’osier qu’inventa Célée, les claies et le van, mystérieux symbole des fêtes de Bacchus ; toutes choses dont tu feras bien de t’approvisionner à l’avance, si tu prétends à de nobles profits dans l’art divin du labour. Va donc dans les forêts courber à grand’peine l’orme encore pliant, et que déjà il reçoive de tes mains la forme recourbée d’une charrue ; qu’un timon y soit attaché, long de huit pieds, et que le soc soit placé autour du cep garni de deux oreillons. Coupe de préférence le tilleul ou le hêtre, bois légers, pour en faire le joug et le manche, qui t’aidera à tourner à ton gré l’arrière-train de l’attelage ; mais que tout ce bois suspendu à ton foyer s’y durcisse, éprouvé par la fumée. J’ai encore à te rappeler beaucoup de préceptes de nos ancêtres, si tu n’en es point ennuyé, et si tu ne dédaignes pas ces petites pratiques d’un grand art. Avant tout, il convient de bien aplanir ton aire sous le poids d’un énorme cylindre, de la pétrir en quelque sorte, et d’en consolider le fond avec un ciment visqueux, de peur que l’herbe ne pousse au travers, ou que le sol ne se fende, vaincu par la sécheresse. Alors que d’ennemis obscurs se jouent de toi ! Souvent un misérable petit rat fait son trou dans ton aire, et s’y établit comme dans son grenier à blé ; ou bien c’est la taupe aveugle qui y creuse sa retraite. On y découvre encore l’immonde crapaud, et mille autres monstres, enfants ténébreux de la terre ; c’est là que se logent le charançon, ce dévastateur des granges, et la fourmi, qui butine pour le temps de la vieillesse indigente.

» Regarde l’amandier dans les forêts, quand il commence à se couvrir de fleurs, et qu’il courbe vers la terre ses rameaux odorants : s’il abonde en fruits, c’est signe d’une pareille abondance pour tes blés, et que de grandes chaleurs t’apporteront de grandes récoltes ; mais si l’arbre, surchargé de feuillage, n’étale qu’une ombre stérile, hélas ! le fléau ne battra pour toi qu’une vaine moisson de paille !

» J’ai vu des laboureurs qui ne semaient leurs légumes qu’après en avoir préparé la semence, et l’avoir détrempée dans l’eau de nitre ou dans le marc d’huile, afin que les grains devinssent plus gros dans leur cosse, souvent trompeuse ; mais, quelque art qu’on ait mis à faire ramollir les semences dans une eau doucement échauffée, j’en ai vu des mieux choisies et des mieux apprêtées qui dégénéraient, si l’on n’avait soin chaque année de les trier et de réserver les plus grosses : ainsi tout va en déclinant, ainsi le