Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/500

Cette page a été validée par deux contributeurs.
499
notes.

suspect, c’est qu’au premier aspect d’un chien hagard qui a perdu son maître et qui hurle pour le rappeler, on ne le traque pas de rue en rue, de village en village, et que les sévices et l’imagination publique ne multiplient pas le mal en l’exagérant. La loi et la police doivent s’occuper du règlement des chiens à cet égard, je le demande avec vous. Dans l’état présent, soyez-en sûrs, la police fait plus de chiens enragés que la nature.

Quant à l’impôt, je me résume. Comme impôt somptuaire, il est en contradiction avec le temps ; comme impôt de luxe, il est un contre-sens à l’industrie, qui vit de luxe ; comme impôt sur la dépense, il est en opposition avec le travail ; comme impôt populaire, il frappe mille fois plus sur le peuple que sur le riche ; enfin, comme impôt moral, il porte, il pèse, il sévit sur le sentiment public. À tous ces titres, je le repousse comme un mauvais impôt et comme une mauvaise pensée, et je supplie le conseil de repousser l’avis de la commission.

(L’avis de la commission, qui propose un impôt sur les chiens, n’est pas adopté.)

Ce que j’ai dit, dans le discours qu’on vient de lire, avec la réserve et la sécheresse d’une discussion administrative, le comte Xavier de Maistre l’avait mis en scène dans le Lépreux de la cité d’Aoste, ce chef-d’œuvre d’émotion et de charité pathétique. Le chien du lépreux, c’est le chien de l’aveugle, le chien du mendiant, le chien du pâtre ; c’est toute l’humble race des animaux domestiques de la solitude, de la cécité et de la misère. Je cite ici cette page simple et sublime ; elle entraînera par l’attendrissement ceux que mes raisonnements n’auraient pu convaincre :

« Je venais d’éprouver un nouveau chagrin. Depuis quelques années, un petit chien s’était donné à nous ; ma sœur l’avait aimé, et je vous avoue que, depuis qu’elle n’existait plus, le pauvre animal était une véritable consolation pour moi. Nous devions sans doute à sa laideur le choix qu’il avait fait de notre demeure pour son refuge. Il avait été rebuté par tout le monde ; mais il était un trésor pour la maison du lépreux. En reconnaissance de la faveur que Dieu nous avait accordée en nous donnant cet ami, ma sœur l’avait appelé Miracle ; et son nom, qui contrastait avec sa laideur, ainsi que sa gaieté continuelle, nous avait souvent distraits de nos chagrins. Malgré le soin que j’en avais, il s’échappait quelquefois, et je n’avais jamais pensé que cela pût être nuisible à personne. Cependant quelques habitants de la ville s’en alarmèrent, et crurent qu’il