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notes.

utilisées ; car, à quelques pas de la source, on voit encore quelques pans de murailles lourdes et massives, et qui semblent remonter au temps des conquêtes romaines. Nous n’y trouvâmes rien, il est vrai, qui nous conduisît à penser que ces ruines fussent autrefois des thermes ; mais la position de la maison nous parut trop voisine de la source pour ne pas croire que la première fut pour quelque chose dans l’existence de la seconde.

» Après quelques moments donnés à l’inspection de ces lieux, nous continuâmes notre route. Le sol que nous foulions à cette heure avait complètement changé de nature : autant celui que nous parcourions quelques moments auparavant était commode, animé, luxuriant de végétation, agréable à l’œil par la beauté et la variété de sa production, autant celui-ci était sauvage, difficile, inhospitalier. Rien n’y accusait la présence d’un être animé : à peine de loin en loin quelques bouquets de rhododendrum se présentaient à nous ; pas un oiseau ne volait dans l’air ; pas un cri, pas un bruit ne se faisait entendre ; le chamois lui-même, cet hôte si abondant des montagnes du Dauphiné, avait déserté cette solitude. Notre course, du reste, ne s’effectuait pas sans danger. Pour tout chemin, nous n’avions que d’énormes pierres détachées de la montagne commune, que nous gravissions une à une, et sur laquelle, avant de nous y risquer complètement, nous assurions nos pas, de crainte que la pierre, venant à se détacher, ne nous entraînât avec elle dans l’abîme que nous pouvions voir ouvert au-dessous de nous. Aussi, pendant tout le temps que dura cette rude ascension, le silence le plus complet régna entre nous. Nous ne songions plus à rire, plus à égayer la longueur du chemin par des chansons ; c’est à peine si parfois un œil furtif, se détachant timidement du bloc de pierre qui allait être gravi, osait s’aventurer à une petite distance, et s’arrêter quelques secondes sur les accidents curieusement bizarres de la montagne.

» Enfin nous arrivâmes au pied d’un demi-rocher ; c’était là le but de notre course. À peu près à la hauteur d’un premier étage, dans les flancs de la pierre, on voyait une crevasse assez étroite pour faire douter à première vue qu’un homme, même des plus minces, y pût pénétrer. C’était la porte de la grotte pour laquelle nous avions fait une si longue et si périlleuse route.

» Restait à trouver un moyen de pénétrer dans la grotte, et j’avoue que je me déclarais tout à fait incompétent pour le découvrir. Mais bientôt je fus tiré de mon embarras en voyant agir mes compagnons. Ils commencèrent à dévider une longue couronne de fortes cordes ; puis quand ils furent venus à bout de ce