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neuvième époque.

» J’achetai du gardien de la funèbre enceinte
» La fosse de trois pieds creusée en terre sainte !…


» Le mal dans la maison une fois introduit,
» Ma femme entre mes bras mourut la même nuit.
» Sans or, sans médecin, sans prêtre, sans remède,
» Je ne pus qu’appeler tous les saints à son aide,
» Réchauffer ses pieds froids, de mon corps, dans mes bras,
» La disputer longtemps, souffle à souffle, au trépas.
» Souvent, dans cette nuit de l’angoisse mortelle,
» En me serrant la main : « Promets-moi, me dit-elle,
» Que tu ne laisseras jamais jeter mon corps
» Sans bière et sans tombeau dans le fossé des morts ;
» Mais que tu feras faire un service à l’église,
» Pour que plus vite au ciel notre ange nous conduise,
» Et que plus près de Dieu, priant pour toi là-haut,
» Nous puissions à nous deux te rappeler plus tôt ! »
» Je lui promis, mon père ; et sur cette promesse
» Son âme s’en alla tout heureuse en caresse.
» Hélas ! je promettais ! je croyais obtenir
» Plus qu’en ces jours si durs je ne pouvais tenir.
» Par la longue misère ou par la maladie,
» La charité publique était tout attiédie.
» Je cherchai vainement parmi nos froids amis
» De quoi faire accomplir ce que j’avais promis :
» Des planches, un linceul et des clous pour la bière,
» Une messe à son âme, un coin au cimetière !…


» Je revins morne et seul près du cierge m’asseoir,
» Le regardant brûler d’un œil de désespoir.
» Quand il fut consumé, dans un transport féroce,
» Je lui fis un linceul de sa robe de noce ;
» J’arrachai, je clouai les planches de son lit ;
» Dans ce cercueil d’amour ma main l’ensevelit ;