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neuvième époque.

» Il la verse à son heure et selon sa mesure,
» En fleuves, en ruisseaux, plus bourbeuse ou plus pure.
» Si les vôtres, mortels, sont plus clairs et plus doux,
» Gardez-vous d’être fiers, et moins encor jaloux ;
» Sachez que vous avez des frères sur la terre ;
» Que celui qui n’a pas ce qui vous désaltère
» A la pluie en hiver, la rosée en été ;
» Que Dieu lui-même puise au lac de sa bonté,
» Et qu’il donne ici-bas sa goutte à tout le monde,
» Car tout peuple est son peuple et toute onde est son onde. »


« Cette religion qui nous enorgueillit,
C’est ce fleuve fait dieu dont on venge le lit.
Vous croyez posséder seuls les clartés divines,
Vous croyez qu’il fait nuit derrière vos collines,
Qu’à votre jour celui qui ne s’éclaire pas
Marche aveugle et sans ciel dans l’ombre du trépas :
Or, sachez que Dieu seul, source de la lumière,
La répand sur toute âme et sur toute paupière ;
Que chaque homme a son jour, chaque âge sa clarté,
Chaque rayon d’en haut sa part de vérité,
Et que lui seul il sait combien de jour ou d’ombre
Contient pour ses enfants ce rayon toujours sombre !
Le vôtre est plus limpide et plus tiède à vos yeux :
Marchez à sa lueur en rendant grâce aux cieux ;
Mais n’interposez pas entre l’astre et vos frères
L’ombre de vos orgueils, la main de vos colères ;
Pour faire à leurs regards luire la vérité,
Réfléchissez son jour dans votre charité :
Car l’ange qui de Dieu viendra faire l’épreuve
Juge le culte au cœur comme à l’onde le fleuve !
L’arc-en-ciel que Dieu peint est de toute couleur,
Mais l’éclat du rayon se juge à sa chaleur ! »