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jocelyn.

Cet ami de ma race à présent m’aime autant ;
Il ne peut plus de moi se passer un instant ;
Il s’attriste, il languit pour une heure d’absence ;
Il marche quand je marche, il pense quand je pense ;
Son regard suit le mien, comme si de nos cœurs
Le rayon ne pouvait se diriger ailleurs ;
Comme mon pauvre chien ou comme l’hirondelle
Qui ne s’alarme plus de nous voir autour d’elle,
Il s’est apprivoisé pas à pas, jour à jour,
Il boude à mon départ, il saute à mon retour :
Mais pour toute autre voix, pour tout autre visage,
Cet enfant du désert redeviendrait sauvage.


Oh ! qui n’aimerait pas ce qui nous aime ainsi ?
Qui pourrait égaler ce que je trouve ici ?
Que manque-t-il au cœur nourri de ces tendresses ?
Mon Dieu ! vos dons toujours dépassent vos promesses !
Et, dans mon plus beau rêve autrefois d’amitié,
Mon cœur n’en avait pas deviné la moitié !


  Le manuscrit était déchiré à cette place, et il manquait un certain nombre de feuilles. On peut présumer par ce qui suit que Jocelyn avait continué à noter les mêmes sentiments et les mêmes circonstances de sa vie heureuse pendant ces mois de solitude.