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JEANNE D’ARC.

sent, l’écrivit. L’évêque s’en aperçut ; et voulant à tout prix livrer sa proie aux partis dont il était l’organe : « Taisez-vous donc, de par Dieu ! » cria-t-il au docteur qui avait adressé la question et obtenu la réponse. Puis, se tournant vers le tabellion, il lui défendit d’écrire ce qui absolvait l’accusée. « Hélas ! dit Jeanne en regardant pitoyablement l’évêque, vous écrivez ce qui est contre moi, et vous ne voulez pas écrire ce qui est pour ! »

Warwick, informé par l’évêque, ayant rencontré, le soir, le docteur inhabile ou miséricordieux, l’apostropha avec colère, l’accusa de souffler cette scélérate, et le menaça de le faire jeter à la Seine. Les docteurs, tremblants, se sauvèrent de Rouen, et la prison de Jeanne se referma à tous, même à Cauchon.

La soif de son supplice était si ardente, que le parti anglais tremblait que la maladie ne l’enlevât aux bourreaux. « Pour rien au monde, disait le gardien de la tour, le roi ne voudrait qu’elle mourût de mort naturelle. Il l’a achetée assez cher pour vouloir qu’elle soit brûlée. Qu’on la guérisse au plus vite ! »

L’évêque cependant s’introduisit de nouveau dans sa prison, et il lui exposa le danger de son âme, si elle mourait sans adopter le sentiment de l’Église. « Il me semble, répondit-elle, que, vu la maladie que j’ai, je suis en grand péril de mort ; s’il en doit être ainsi, que Dieu fasse a son plaisir de moi ! Je voudrais seulement avoir confession de mes péchés, et terre sainte après ma mort. » On lui demanda s’il fallait faire prières et processions pour obtenir sa guérison : « Oui, dit-elle ; j’aimerais bien que les bonnes âmes priassent pour moi. »

On revint sur l’accusation de suicide qu’on lui avait imputée au sujet d’une tentative désespérée d’évasion qu’elle avait faite pendant sa première captivité au château de Beaurevoir. Elle avoua que l’horreur de se sentir captive et