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JEANNE D’ARC.

en crimes, l’évêque de Beauvais et le comte de Warwick, cachés dernière une cloison, assistaient invisibles aux entretiens, et notaient les épanchements de la plainte. Les tabellions cachés aussi avec l’évêque, et chargés d’enregistrer ces mystères, rougirent eux-mêmes de leur office, et refusèrent d’écrire d’aussi infâmes surprises de la conscience. Loiseleur continua son œuvre de perdition sous un autre déguisement. Il s’insinua dans la piété de Jeanne, reçut ses confessions dans le cachot, et, s’entendant avec l’évêque, il conseilla, sous le sceau de Dieu, et sa pénitente, tous les aveux qui pouvaient prêter prétexte à la condamnation.

Pendant ces préliminaires du procès à Rouen, on intimidait les témoins qui auraient pu parler à sa décharge ou à sa gloire. Une femme du peuple de Paris, ayant dit que Jeanne était une fille d’honneur, fut brûlée vive.

Telles étaient les dispositions des juges et de l’esprit public à Paris et à Rouen, quand l’évêque fit enfin comparaître l’accusée devant lui, le 21 février. Poursuivie par ses ennemis, elle semblait oubliée de ses amis. Charles VII, victorieux et insouciant de celle qui l’avait fait vaincre, traitait déjà avec le duc de Bourgogne, et ne paraît pas avoir fait une tentative efficace pour racheter celle qui allait mourir pour lui.

L’évêque, dans la crainte que l’accusée ne fût soustraite un seul moment à la garde des Anglais et enlevée par quelque émotion patriotique du peuple, instruisit le procès dans le château de Rouen, commandé par Warwick, capitaine des gardes du roi Henry VI d’Angleterre. Ce fut dans la chapelle de ce château que Jeanne enchaînée, mais toujours revêtue de ses habits de guerre, parut devant lui. Le vicaire de l’inquisiteur général, touché d’on ne sait quels scrupules ou quelle pitié pour la victime, paraît avoir contenu plus qu’excite le féroce dévouement de l’évêque, et