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JEANNE D’ARC.

fourreau, comme pour venger ce défi courageux de la captive à ses geôliers ; Warwick, plus loyal et plus humain, détourna le bras et prévint l’outrage.

Plus de cent docteurs ecclésiastiques et séculiers avaient été réunis à Rouen pour former le terrible tribunal. On eût dit que les juges pervers ou fanatiques de cette grande cause avaient voulu se partager l’iniquité en un plus grand nombre, afin d’en diminuer la responsabilité et l’horreur pour chacun d’eux aux yeux de la France et de l’avenir. Ces cent juges cependant n’avaient autorité que pour informer contre l’accusée, et pour discuter les accusations et les preuves ; l’évêque de Beauvais et le vicaire de l’inquisiteur général Jean Lemaître avaient seuls le droit de prononcer. Ils avaient prononcé d’avance dans leur cœur.

On n’avait rien épargné pour se procurer des incriminations contre Jeanne. Des informateurs envoyés à Domrémy pour chercher des crimes jusque dans son berceau, et pour souiller sa vie par ces rumeurs populaires qui sont les préludes des grandes calomnies, n’avaient recueilli la que des témoignages de sa foi, de sa candeur et de sa vertu. Ses jeunes compagnes d’enfance, fidèles à la vérité et à l’amitié, avaient parlé d’elle avec compassion et avec larmes. Les soldats n’en parlaient qu’avec admiration, le peuple qu’avec reconnaissance. Il avait fallu chercher dans des sources plus ténébreuses et plus immondes des éléments d’accusation. La plus sacrilége perfidie les avait ouvertes.

Un prêtre se disant Lorrain, et compatriote de Jeanne, nommé Loiseleur, fut jeté dans sa prison, sous prétexte d’attachement à Charles VII, afin que la parenté de patrie, la conformité d’opinion et la communauté de peines ouvrissent le cœur de Jeanne à la confiance et à la confidence. Pendant que Loiseleur interrogeait sa compagne de captivité et s’efforçait d’arracher à son âme des aveux convertis