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JEANNE D’ARC.

gogne, nous requérons instamment et enjoignons, au nom de la foi et sous les peines de droit, d’envoyer et amener prisonnière devant nous Jeanne, soupçonnée de crimes, pour être procédé contre elle par la sainte inquisition. »

Ainsi c’étaient des Français qui demandaient à venger l’Angleterre, et l’Église de France à sévir contre la liberté de ses propres autels.

Le sire de Luxembourg, étranger, fut moins cruel que les compatriotes de l’héroïne. Il l’envoya dans son château de Beaurevoir, où les dames de sa famille furent douces et compatissantes pour elle.

L’université de Paris, scandalisée de ces égards et de ces délais, et lâchement alliée avec l’inquisition contre l’innocence et le malheur, appuya, par des lettres plus impératives et plus ardentes, les injonctions du vicaire général de l’inquisition : « En vérité, disait l’université au sire de Luxembourg, en vérité, au jugement de tout bon catholique, jamais, de mémoire d’homme, il ne serait advenu une si grande lésion de la sainte foi, un si énorme péril et dommage pour la chose publique en ce royaume, que si elle échappait par une voie si damnable et sans une convenable punition ! »

On voit qu’en tous les temps les haines des hommes paraissent les justices des juges, et que ni les lettres, ni les fonctions sacerdotales, ne préservent les corps politiques de ces détestables adulations à leur parti. Luxembourg résistant encore, l’université et inquisition suscitèrent l’autorité ecclésiastique dans la personne de l’évêque de Beauvais, homme féroce et fanatique, nommé Cauchon. Il fut le Caïphe de ce Calvaire.

Cauchon, par principe ou par intérêt, était vendu à la cause ennemie jusqu’à l’âme. Il osa signifier au duc de Bourgogne de lui livrer sa prisonnière, et il lui en débattait le prix : « Bien que cette femme ne doive pas, disait-il