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CICÉRON.

orages passagers de Rome, se rapprochèrent de Cicéron. Ils gémissaient avec Pompée, trop endormi dans sa vaine gloire, des calamités de la patrie. Cicéron en détournait les yeux, et n’allait plus au sénat, pour s’occuper exclusivement de l’éloquence du barreau, des lettres et de la poésie. Il écrivit, dans sa retraite champêtre d’Antium, un poème héroïque sur les victoires de César, pour s’acquérir l’amitié de ce héros, dont il entrevoyait la fortune sans prévoir encore qu’il renverserait la république. Il chanta dans un autre poëme ses propres malheurs. Il écrivit plusieurs livres d’histoire. Il soignait l’éducation de son fils ; il jouissait de la beauté, de la tendresse et du génie littéraire de sa fille Tullia ; il enrichissait ses maisons de campagne de nouvelles bibliothèques, achetées a grands frais en Grèce par les soins de son ami Atticus, pour remplacer celles que Clodius avait brûlées pendant sa proscription. Il défendait César dans le sénat contre ceux qui, le trouvant déjà trop puissant, voulaient lui retirer l’armée des Gaules. Enfin, il écrivit un poème en quatre chants sur les événements de son consulat. Il était aussi heureux que peut l’être un homme qui sent périr sa patrie.

Les événements se pressaient, et les ruines contre lesquelles il était abrité un moment ne pouvaient pas tarder à l’atteindre. Les brigues et les violences infestaient Rome. Le triumvirat militaire de Crassus, Pompée et César, seul élément de sécurité pour l’ombre de république qui existait encore, se décomposait. Crassus, qui avait pris le gouvernement de l’Asie, venait de perdre ses légions et d’être tué dans la guerre contre les Parthes. Julia, fille de César, que Pompée avait épousée, et qui était le gage de l’union entre ces deux rivaux, venait de mourir, en emportant leur concorde dans la tombe. Milon ayant rencontré Clodius sur la route de sa maison de campagne, les deux cortéges de serviteurs qui accompagnaient les deux adver-