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CÉSAR.

fatal emportement qui laisse éclater dans cette belle mort une explosion de brutalité au milieu de la sérénité de la raison ! Il ne tarda pas a en rougir.

Son fils et ses amis veillaient sur ses mains pour l’empêcher d’accomplir le dessein qu’ils lui supposaient. Ils se précipitèrent dans sa chambre et l’enlacèrent de leurs bras en pleurant, comme pour le retenir par tant de liens à la vie.

Mais lui, les repoussant avec douceur et se levant sur son séant : « Depuis quand donc, dit-il à son fils et à ses amis, m’a-t-on vu donner des signes d’un esprit qui ne se possède pas soi-même, pour me désarmer ainsi comme un insensé ? Que ne me fais-tu lier aussi les mains derrière le dos, ô mon fils, jusqu’à ce que César vienne et qu’il me trouve à sa merci, sans défense ? Mais crois-tu que j’aie besoin du for pour m’ôter la vie, si j’en avais pris la résolution ? Ne me suffirait-il pas, pour mourir, de retenir seulement un peu de temps mon haleine ou de me briser la tête contre cette muraille ? »

Son fils, qui l’adorait, ne put supporter ces images sans fondre en larmes et sans sortir éperdu de la chambre pour laisser éclater ses gémissements et ses sanglots.

Plus libre avec ses amis, Caton leur parla à cœur plus ouvert, mais toujours avec une tendresse où respirait l’amertume du reproche.

« Et vous aussi, leur dit-il, vous restez donc là pour surveiller en silence ma main et pour retenir malgré lui dans la vie un homme déjà si avancé d’années que je le suis ? Ou bien, continua-t-il avec une ironie douce, m’apportez-vous donc quelque belle démonstration pour me convaincre qu’il n’est ici ni déplorable ni déshonorant pour Caton, lorsqu’il n’a plus d’autre moyen pour défendre sa vie, de la recevoir de l’ennemi de sa patrie ? Que ne vous efforcez-vous de me pénétrer de cette belle morale et de