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CÉSAR.

La mort d’Orgétorix ne fit point abandonner aux Helvètes le dessein qu’il leur avait inspiré, et les préparatifs commencés se poursuivirent avec la même chaleur. On voyait bien qu’ils voulaient s’interdire à jamais le retour. Ils avaient brûlé leurs douze villes et leurs quatre cents villages, détruit les meubles et les provisions qu’ils ne pouvaient emporter. En comptant les femmes et les enfants, ils étaient au nombre de trois cent soixante-dix-huit mille : Chiffre certain, car les Romains, dit César, trouvèrent dans le camp helvétien les rôles du dénombrement écrits en caractères grecs. »

Le rendez-vous général avait été fixé près du lac Léman. Ils trouvèrent, vers Genève, César qui leur ferma la route : il avait fait couper le pont du Rhône qui communiquait avec l’Helvétie, et rassemblé en toute, hâte les garnisons et les milices de la Narbonnaise. Les principaux chefs des Helvètes lui furent envoyés en députation. L’homme de la parole (c’était le titre que portait l’orateur en langue gallique) lui dit : « Les Helvètes veulent traverser la province, mais sans y causer le moindre dommage ; ils n’ont pas d’autre chemin à prendre, et ils espèrent que César ne leur refusera point son consentement. »

César n’avait pas oublié la mort du consul L. Cassius et la honte des légions que les Tigurins (habitants du canton de Zurich) avaient fait passer sous le joug dans le lieu même où ils venaient solliciter l’entrée du territoire romain ; mais il n’avait qu’une légion avec lui. Il différa de répondre, et usa du délai, qu’il indiqua, pour creuser un fossé et construire un mur de seize pieds de haut, flanqué de tours, sur une étendue de dix-neuf milles entre le lac Léman et le Jura. Quand les ambassadeurs helvètes revinrent, il leur déclara « que, d’après les usages du peuple romain, il ne pouvait permettre à qui que ce fût l’entrée de la province. »