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CÉSAR.

l’autre refrénant la ville, il ne voyait plus, entre le pouvoir suprême et lui, que le grand Pompée.

Trop novice encore dans l’armée pour le combattre, il s’attacha à le séduire. Il exploita habilement des mécontentements personnels de Pompée contre le sénat, qui refusait de ratifier ses mesures en Asie après ses victoires sur Mithridate. Pompée, homme nouveau lui-même comme Cicéron, se plaignait avec raison de l’ingratitude et de l’insolence d’un sénat qui ne subsistait que par son appui. Il était trop haut dans la gloire pour redouter la rivalité d’un jeune homme qui n’avait pour tout titre militaire qu’une couronne de laurier reçue au siégé de Lesbos ; il désirait se faire un soutien du parti des plébéiens pour contraindre les patriciens à pactiser avec sa puissance.

César était le nœud par lequel cette grande idole des vétérans pourrait se rattacher, sans paraître se dégrader, aux idées et aux intérêts populaires. César, de son côté, manquait de force dans le sénat et de considération dans le parti des honnêtes gens. Il ne craignait pas de fortifier dans Pompée un homme qui n’était à ses yeux qu’un grand fantôme de vaine gloire, propre à lui garder la place et à habituer les Romains au joug plus durable qu’il leur préparait ; il flatta donc sans crainte celui qu’il était sûr d’humilier à son heure. Il réconcilia Pompée avec Crassus, le plus accrédité des tribuns après lui.

Un triumvirat secret d’influences combinées sur le gouvernement de Rome se négocia sous ses auspices entre ces trois hommes : coalition inégale où Pompée apportait la gloire, Crassus l’or, César le génie, la popularité et l’ambition. Pompée promit à César les voix de ses innombrables clients pour le gouvernement militaire de l’Espagne ; Crassus lui prêta huit millions pour s’affranchir de ses créanciers avant de partir de Rome.

César, devenu ainsi préteur et aspirant déjà au consu-