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dont mon oncle est colonel. Il n’a que moi de parent, il m’appelle près de lui, il a une fille unique. Je sais qu’il nourrit des projets d’union de famille. Je ne pourrais aimer personne après avoir aimé ce que la nature a jamais animé de plus parfait sur la terre. Je m’embarquerai pour les Philippines ; j’irai jusqu’où le nom de l’Europe ne viendra plus me poursuivre. Je perdrai ma trace dans l’univers. Ne pense plus à moi, toi-même ; mais pense, à cause de moi, à Régina, et n’abandonne ni elle ni la comtesse en terre étrangère jusqu’à ce que les deux frères de sa mère, qui partent demain pour les ramener à Rome, soient arrivés à Genève.

. . . . . . . . . . . . . . . . .

« Voici trois lettres pour elle.

« Ne lui remets la dernière, cet adieu suprême de moi, qu’après l’avoir lentement préparée au coup que je lui porte pour la sauver !

« Écris-moi une ligne à Madrid quand elle sera revenue à un peu de calme, et dis-moi qu’elle ne me maudit pas éternellement. »

Le reste de la lettre contenait des recommandations sans fin sur la manière dont je devais m’y prendre pour éviter un coup trop subit à Régina.


XXXII


Je ne pus qu’approuver Saluce, tout en déplorant la fatale nécessité où il se trouvait jeté de faire souffrir le cœur de Régina en immolant son propre cœur. Il ne l’avait pas consultée. Qui sait si elle n’aurait pas préféré mille fois l’exil avec lui à la liberté et à la fortune sans lui ? Ce devoir