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« Votre sœur a été unie, il y a neuf ans et quelques mois, par un mariage clandestin, au jeune sous-officier neveu de la dame que voilà.

« — Je ne puis plus le nier, dit Geneviève.

« — Un enfant est venu de cette union, et, dans l’embarras où vous étiez d’avouer et de légitimer sa naissance, vous l’avez fait déposer, pour être allaité, à l’hospice, avec l’intention de le retirer secrètement aussitôt que vous le pourriez sans perdre votre sœur de réputation. »

Geneviève ne dit rien, et baissa la tête en signe de consentement.

« La sage-femme qui le portait fut suivie par le commissaire de police et emprisonnée. On enleva au petit les signes de reconnaissance et la boucle de cheveux de sa mère, attachée à son cou. L’administration, plus sévère et plus cruelle que la religion, nous avait ordonné, quand nous recevrions des enfants au tour, de détruire ces signes pour intimider les mères coupables en leur ôtant tout espoir de retrouver jamais leur fruit, et en confondant tous ces pauvres orphelins dans le même troupeau, comme des enfants trouvés où personne ne pût reconnaître le sien. C’est triste à dire, et c’est pourtant vrai, messieurs, dit-elle en regardant les magistrats et le médecin.

« Mais la charité des femmes a toujours transgressé, tant qu’elle a pu, la loi. Quand la loi des hommes est contraire à la loi de la nature et de Dieu, on est coupable de lui obéir. J’ai pris sur ma conscience de ne jamais obéir à celle-là.

« — Oh ! quel bonheur ! s’écria à demi-voix Geneviève en joignant les mains.

« — Le commissaire me remit en secret les cheveux et les autres signes de reconnaissance qu’il avait enlevés à la sage-femme. Je les glissai, par un pieux subterfuge, entre