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cour. Assis dans ma chambre auprès de la fenêtre, je lisais et regardais tour à tour ce qui se passait en bas. Ce drame se nouait plus fortement d’heure en heure. Luce jetait des regards à la dérobée sur l’enfant comme sur un bien qu’on ne possède déjà plus avec sécurité.

De nouveaux arrivants allaient compliquer ce petit drame entre ces deux cœurs de femmes.

Je vis entrer chez moi le médecin, mon ami. Il avait la physionomie rayonnante d’un homme qui pressent quelque événement imprévu, et qui jouit d’avance du plaisir qu’il vient annoncer.

« Ton malade est sauvé, me dit-il en souriant ; mais je crains bien que sa pauvre jeune femme n’ait à mêler quelques larmes de tristesse aux larmes de joie que lui fera répandre la miraculeuse conservation de son mari, et j’ai bien peur aussi pour les yeux de Geneviève.

« — Comment donc ? lui répondis-je étonné.

« — Écoute, répondit-il en s’asseyant, il y a du nouveau à l’hospice où je vais faire ma visite tous les matins.

« La supérieure, femme de la plus tendre vertu et du plus affectueux dévouement pour les malheureux, m’a fait monter après la visite dans le parloir, pour m’entretenir d’une exposition mystérieuse d’enfant qui eut lieu il y a environ neuf ans, dont l’administration, barbare et païenne en pareille matière, voulut faire perdre les traces, afin de dépayser la tendresse de la mère illégitime, et que la famille du père cherche aujourd’hui vainement à retrouver. Une sœur de Geneviève, charmante enfant, célèbre ici par sa beauté et par sa mort précoce, est mêlée, dit-elle, à tout ceci. Une dame pieuse, âgée, étrangère à ce pays, est logée à l’hospice depuis cinq semaines dans un appartement particulier, occupée à faire des recherches sur l’exposition de ce pauvre enfant perdu, à découvrir s’il existe encore et